Le décès brutal et prématuré de Pierre du Bois plonge la revue Relations internationales ainsi que l’Institut universitaire de hautes études internationales dans l’affliction. La revue doit beaucoup à notre collègue : pendant des années, il en a assuré la coprésidence avec une grande efficacité et avec l’élégance souriante qui le caractérisait.
Après avoir étudié l’histoire à l’Université de Lausanne et à l’Institut d’études politiques de Paris, où il a été l’élève de Jean Touchard, Pierre du Bois a consacré sa thèse de doctorat à un sujet à l’époque très neuf : une biographie de l’écrivain Pierre Drieu la Rochelle. Sujet si neuf que la séance de la soutenance donna lieu à un tournoi inhabituel entre les points de vue du candidat et ceux de certains membres du jury ou de l’assistance. Puis, à la faveur de sa nomination à l’Institut d’études européennes fondé par D. de Rougemont, Pierre du Bois se consacra à l’étude de la construction européenne, orientation consolidée quelques années après par sa nomination à l’Institut universitaire de hautes études internationales, où il a occupé avec brio une chaire vouée à la même thématique. Plusieurs ouvrages balisent ce champ de recherche, ouvrages dans lesquels Pierre du Bois a scruté notamment les relations et la position de la Suisse face à l’Union européenne. Une histoire de la monnaie européenne, l’euro, viendra bientôt, hélas à titre posthume, couronner cet effort.
Mais Pierre du Bois n’était pas homme à se laisser enfermer dans cette thématique, si importante fût-elle. Grand lecteur, esprit très cultivé, sa curiosité et les aléas de la vie le portaient vers d’autres horizons aussi. Par son mariage avec sa femme Ina, d’origine roumaine, il s’est passionné pour l’histoire de la Roumanie et pour celle de l’Europe centre-orientale, dont il est devenu un remarquable connaisseur. Il y a consacré de très belles études, qu’il s’agisse de l’avènement au pouvoir de Ceaucescu ou de la Roumanie précommuniste. Un enseignement à la Diplomatische Akademie de Vienne a longtemps accompagné cet intérêt pour l’Europe centre-orientale, intérêt qui s’étendait jusqu’aux formes de l’art de cette région, qu’il appréciait en esthète. Il portait par ailleurs, en raison de son histoire familiale, une grande attention aux problèmes posés à la Suisse du fait de son appartenance à plusieurs aires linguistiques et culturelles. En sont résultées des études pionnières sur l’union et la désunion des Suisses ainsi qu’une histoire de l’événement majeur que fut la guerre du Sonderbund, histoire qui est un modèle de vulgarisation lumineuse.
Doué d’une sensibilité artistique très vive et d’un sens aigu de la vie, Pierre du Bois savait présenter avec finesse et relief tous les sujets qu’il abordait. A son don d’écriture, il joignait un verbe aisé, rehaussé d’un humour indéfectible et bienveillant. Toutes ces qualités en ont fait un enseignant écouté et adoré de ses étudiants, que ce soit à Genève, à Strasbourg, ou à Neuchâtel, où il a longtemps été professeur associé dans le cadre de l’histoire et du journalisme. Avec son décès, nous perdons un collègue de grande valeur et pour certains d’entre nous, un ami dont le souvenir restera toujours.
Université de Neuchâtel
Relations internationales, No. 132, hiver 2007