La retraite du Dalaï-Lama : quelles perspectives d’avenir pour la communauté tibétaine de l’exil ?

Anne-Sophie Bentz
Assistante temporaire d'enseignement et de recherche (ATER)
Université Toulouse 1 Capitole
 

Papiers d'actualité/ Current Affairs in Perspective
Fondation Pierre du Bois
January 2011, No 2/ 2011

 

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Le 22 novembre 2010, au cours d’une interview télévisée sur une chaîne indienne, le Dalaï-Lama a surpris, non seulement les journalistes présents sur place, mais également bon nombre de téléspectateurs : il y indiquait en effet qu’il allait peut-être se retirer du gouvernement tibétain en exil[1]. L’annonce, qui n’est pas passée inaperçue, était reprise dès le lendemain par son porte-parole Tenzin Taklha, qui s’est adressé à l’Agence France Presse (AFP) pour apporter des précisions quant à son éventuel départ à la retraite[2]. Et la plupart des médias occidentaux, qui y voyaient un scoop, se sont empressés de relayer la nouvelle. D’après Jason Burke, du Guardian, c’est en effet la première fois que le Dalaï-Lama parle de retraite en des termes aussi clairs et avec un calendrier précis à l’appui : « The Dalai Lama has given the clearest sign yet that he is preparing for a full retirement from political life, possibly within a year[3]. » Les Tibétains ont pourtant été un peu plus lents à réagir que les Occidentaux. N’ont-ils pas entendu l’annonce du Dalaï-Lama ? N’y ont-ils pas vu de scoop ? Il est vrai que l’annonce n’a, dans l’immédiat, été reprise ni par le site officiel du Dalaï-Lama, ni par le site du gouvernement tibétain en exil, deux sites qui sont pourtant régulièrement mis à jour et qui auraient dû être concernés au premier chef[4]. Mais l’idée que le Dalaï-Lama envisage de se retirer du gouvernement tibétain en exil bien a fini par s’imposer, au point que le Dalaï-Lama lui-même s’est senti obligé de revenir sur la question dans une conférence de presse donnée à Dharamsala le 14 décembre – conférence de presse qui, si elle n’apparaît toujours pas sur le site officiel du gouvernement tibétain en exil, est du moins disponible sur le site du Dalaï-Lama sous le titre « His Holiness Clarifies His Statements on Retirement »[5]. Peut-on, dès lors, parler de scoop ?

 

Et quelles sont les raisons qui peuvent pousser le Dalaï-Lama à envisager de partir à la retraite ? Quelle est la signification d’une telle annonce ? Quelles sont les implications d’un éventuel départ à la retraite du Dalaï-Lama pour la communauté tibétaine de l’exil ? Telles sont les questions que je me propose d’explorer ici et dont les réponses permettront, je l’espère, de se faire une meilleure idée des perspectives d’avenir de la communauté tibétaine de l’exil.

 

1. Rappel historique

 

Les Dalaï-Lamas sont depuis Sonam Gyatso, le troisième Dalaï-Lama, et surtout depuis Ngawang Lobsang Gyatso, le cinquième Dalaï-Lama, aussi surnommé le Grand Cinquième, des chefs temporels et spirituels qui semblent indissociables de l’histoire moderne du Tibet. L’actuel (quatorzième) Dalaï-Lama, Tenzin Gyatso, a été intronisé chef spirituel des Tibétains en 1940, puis chef temporel en 1950, soit quelques années plus tôt que de coutume, la situation au Tibet étant alors telle que les Tibétains eux-mêmes insistaient pour faire accélérer les choses – comme Tenzin Gyatso le rappelle lui-même, alors que les premiers soldats chinois étaient déjà arrivés au Tibet mais n’avaient pas encore atteint la capitale : « les murs de Lhassa se couvraient d’affiches critiquant le gouvernement et exigeant mon intronisation immédiate ; des chansons circulaient, dont les paroles allaient dans le même sens[6] ». On aurait pu penser que, avec la fuite de Tenzin Gyatso en Inde en 1959, les fonctions à la fois politiques et religieuses du Dalaï-Lama diminuent, mais il n’en a rien été ; bien au contraire, c’est précisément dans l’exil que le Dalaï-Lama a vu son pouvoir temporel et spirituel se renforcer. Il accepte, en devenant le chef du gouvernement en exil, une mission extrêmement délicate, qui consiste, d’une part, à œuvrer à la préservation des traditions et des coutumes tibétaines et, d’autre part, à lutter pour l’indépendance du Tibet. C’est ce qui explique qu’il voit son importance politique non pas diminuer dans l’exil, mais augmenter, ce qu’il semble parfois regretter. Comme il le dit lui-même, en réponse à la question « How do you view yourself? » : « I always consider myself as a simple Buddhist monk. I feel that is the real me. I feel that the Dalai Lama as a temporal ruler is a man-made institution. […] Regarding politics, I have no modern education except for a little experience. It is a big responsibility for someone not so well equipped. This is not voluntary work but something that I feel I must pursue because of the hope and trust that the Tibetan people place on me[7]. » Il n’a pas choisi de défendre la cause du Tibet, mais il estime qu’il s’agit bien là d’une responsabilité qui lui incombe.

De plus, dans la mesure où le gouvernement tibétain en exil n’est pas reconnu par la communauté internationale, il ne peut effectuer de visites à l’étranger que s’il se présente comme un chef religieux, ce qui n’est pas sans lui conférer une importance religieuse accrue. Il y a là quelque chose de paradoxal : le renforcement de son pouvoir politique aurait dû s’accompagner d’une diminution de son pouvoir religieux, ne serait-ce que pour une question de temps à consacrer aux deux fonctions, politique et religieuse, dont il a la charge. Mais le fait est que les nouvelles charges du Dalaï-Lama dans l’exil – celle de chef du gouvernement en exil et celle d’ambassadeur du Tibet dans le monde –, renforcent l’importance, et donc la visibilité, de l’institution dont il est le représentant, aux niveaux à la fois temporel et spirituel.

Mais quelle est la place du Dalaï-Lama dans le gouvernement tibétain en exil ? Si l’on s’en tient aux textes, il est le chef du gouvernement tibétain en exil : cette fonction est inscrite dans les deux constitutions que les Tibétains se sont octroyés dans l’exil, la constitution de 1963 (« Constitution of Tibet ») et la charte de 1991 (« Charter of the Tibetans-in-Exile »), deux documents qui ont également vocation à servir de constitution pour le Tibet même, mais qui, en attendant une éventuelle résolution de la question du Tibet, servent au fonctionnement de la communauté tibétaine de l’exil[8].

La constitution de 1963 qui avait, je le rappelle, vocation à être utilisée un jour au Tibet, confère le pouvoir politique au Dalaï-Lama. Il y est en effet précisé, à l’article 29, qui traite du pouvoir exécutif, que : « (1) The executive power of the State shall be vested in His Holiness the Dalai Lama on his attaining the age of eighteen and shall be exercised by him either directly or through officers subordinate to him in accordance with the provisions of this Constitution. » S’ensuit une série de fonctions que le Dalaï-Lama, en tant que futur chef d’Etat, serait tenu de remplir et qui ressemblent fortement aux fonctions de tout chef d’Etat, comme par exemple, l’accréditation des diplomates, l’amnistie, la promulgation des lois et des ordonnances, la dissolution du parlement ou encore l’organisation de référendums[9]. Il y est enfin précisé que : « (3) Nothing in this Article shall be deemed to alter or affect in any manner the power and authority of His Holiness the Dalai Lama as the Supreme Spiritual Head of the State. » Le Dalaï-Lama est donc considéré comme un chef d’Etat, mais il reste tout de même un chef d’Etat assez particulier, qui réunit les pouvoirs temporels et spirituels – d’où l’expression « Supreme Spiritual Head of the State ». Et le Dalaï-Lama a, toujours d’après la charte de 1963 (article 30), pouvoir de nomination des ministres et du Premier Ministre.

Voici le rôle du Dalaï-Lama tel qu’explicité dans la charte de 1991 (il s’agit de l’article 19, qui a trait au pouvoir exécutif et qui est le premier article du chapitre 4 qui porte sur l’exécutif) : « The executive power of the Tibetan Administration shall be vested in His Holiness the Dalai Lama, and shall be exercised by Him, either directly or through officers subordinate to Him, in accordance with the provisions of this Charter. » Le Dalaï-Lama est donc toujours le détenteur du pouvoir exécutif. Libre à lui d’exercer ce pouvoir directement ou indirectement à partir du moment où il respecte les clauses de la charte. Sont également précisées les implications pratiques d’une telle charge. Il s’agit là de fonctions très concrètes qui, par rapport à la constitution de 1963 qui envisageait pour le Dalaï-Lama de véritables fonctions de chef d’Etat, sont davantage en accord avec son rôle comme chef d’un gouvernement en exil – il n’y est, par exemple, plus question du pouvoir d’accréditer des diplomates[10]. L’article suivant, l’article 20, suit la logique mise en place par l’article 19 en plaçant le gouvernement (Kashag) et le Premier Ministre (Chief Kalon ou Kalon Tripa) sous l’autorité du Dalaï-Lama : « Under the leadership of His Holiness the Dalai Lama, there shall be a Kashag and a Chief Kalon primarily responsible for exercising the executive powers of the Tibetan Administration. »

La question qui se pose est bien sûr : comment, dans ces conditions, le Dalaï-Lama peut-il renoncer à son rôle de chef de gouvernement ? Il semble bien qu’il n’y ait qu’une seule solution, à savoir, un changement constitutionnel de la charte de 1991, qui ne peut donc venir que du parlement tibétain en exil, même si, dans les faits, le Dalaï-Lama estime que, depuis l’élection du Premier Ministre au suffrage universel direct, il n’est déjà plus le chef du gouvernement tibétain en exil[11]. Voici ce qu’il dit aux administrateurs tibétains, et qui s’inscrit parfaitement dans cet état d’esprit : « You should carry full responsibility, as if there is no Dalaï-Lama[12]. » Resterait donc simplement à adapter la charte de 1991 à la réalité tibétaine de l’exil… Mais revenons-en à l’annonce à proprement parler.

 

2. L’annonce

 

La rédaction de tibet-info.net explique, dans un article daté du 24 novembre 2010 consacré à l’éventuel départ à la retraite du Dalaï-Lama, que : « Le Dalaï Lama a l’intention de quitter en 2011 sa fonction de chef du gouvernement tibétain en exil pour alléger sa charge de travail et réduire son rôle officiel, sans toutefois abandonner son rôle spirituel[13]. » Il s’agit là d’une explication, certes concise, mais relativement complète de tout ce qui entre en jeu dans le départ à la retraite du Dalaï-Lama. Elle établie tout d’abord une distinction entre les deux fonctions remplies par le Dalaï-Lama, à savoir, les fonctions politique et religieuse : le départ à la retraite, si départ à la retraite il y a, ne porte que sur le rôle politique, et en aucun cas sur le rôle spirituel, c’est-à-dire que l’actuel Dalaï-Lama envisage de découpler les deux fonctions, temporelle et spirituelle, qui sont traditionnellement l’apanage des Dalaï-Lamas. Elle précise également ce que le Dalaï-Lama compte faire, à savoir, quitter la fonction de chef du gouvernement tibétain en exil. Et une telle précision a son importance : si le Dalaï-Lama est le chef du gouvernement tibétain en exil depuis sa création, il ne s’agit pas là de l’intégralité du rôle politique qu’il joue, et c’est bien la raison pour laquelle la rédaction de tibet-info.net précise que le rôle politique du Dalaï-Lama se réduit seulement. Elle rappelle enfin qu’il ne s’agit pour l’instant que d’une intention de la part du Dalaï-Lama : pour que cette intention devienne réalité, il faut qu’un certain nombre de conditions soient remplies, et, notamment, il faut l’accord du parlement tibétain en exil, qui est seul habilité à apporter les modifications constitutionnelles qui s’imposent.

Mais, pour bien comprendre l’annonce, il convient de également de revenir sur les termes exacts que Dalaï-Lama a employés, ainsi que sur les précisions apportées par Tenzin Taklha[14].

Que dit le Dalaï-Lama ? Il explique que : « In order to utilise fully democracy I felt [it is] better I am not involved [and that] I am devoted to other fields, promotion of human values and peace and harmony. [But] firstly I have to discuss, to inform members of Tibetan parliament[15]. » Et, comme le rappelle Tenzin Taklha : « In recent months, His Holiness has been considering approaching the Tibetan parliament in exile to discuss his eventual retirement[16]. » De fait, et on le voit bien au vocabulaire prudent utilisé par le porte-parole du Dalaï-Lama, rien n’est encore fixé : Tenzin Taklha parle de « possible retraite » et non pas d’une décision ferme et définitive de la part du Dalaï-Lama de quitter le pouvoir. Cela s’explique notamment par le fait que, pour que le Dalaï-Lama puisse prendre sa retraite, il faudrait une modification constitutionnelle, or, comme dans tout système démocratique, le parlement est le seul habilité à modifier la constitution – ce qui explique pourquoi Tenzin Taklha précise que, pour pouvoir prendre sa retraite, le Dalaï-Lama doit préalablement obtenir l’accord du parlement tibétain en exil : « It would depend on talking to the parliament and hearing their views on this. Nothing is for sure, but these are things that are being considered by him[17]. » C’est du reste ce que disait déjà le Dalaï-Lama lui-même : « firstly I have to discuss, to inform members of Tibetan parliament[18] ».

Et le Dalaï-Lama de préciser avoir l’intention de parler au parlement tibétain en exil lors de la prochaine session, c’est-à-dire une fois que les prochaines élections parlementaires auront eu lieu, soit en mars 2011. Ce qui lui permettrait de se retirer ensuite dans les six mois, si, bien sûr, sa demande était acceptée par les députés tibétains.

Mais, et c’est bien là ce qui peut paraître étrange dans cette annonce, l’idée d’une retraite politique du Dalaï-Lama n’a rien de véritablement nouveau. Il a déjà eu l’occasion d’annoncer à plusieurs reprises sa volonté de renoncer au pouvoir politique : à chaque fois une telle annonce a pris les allures d’un scoop et, pourtant, (presque) rien n’a changé, semble-t-il. En quoi, dès lors, cette annonce est-elle différente ? Il s’agit d’une différence assez ténue, comme me l’a expliqué Tseten Samdup Chhoekyapa, le représentant du Dalaï-Lama à Bern : auparavant, et depuis l’élection du Kalon Tripa (le Premier Ministre) au suffrage universel direct (en 2001), il était, ou plutôt, s’estimait être, en semi-retraite ; maintenant, il aspire à une retraite complète. Comme il le dit d’ailleurs lui-même : « Now I am looking forward [to] full retirement[19]. » Reste à établir de quoi exactement le Dalaï-Lama voudrait se retirer.

En d’autres termes, au cas où son départ à la retraite serait accepté par le parlement tibétain en exil, que resterait-il de son rôle politique ? Il en resterait en réalité beaucoup. Il paraît même étrange de parler de retraite alors que le Dalaï-Lama conserverait de fait l’essentiel du pouvoir politique. Il renoncerait certes à sa fonction de chef du gouvernement tibétain en exil (et c’est bien là tout l’enjeu de sa retraite : quitter le gouvernement en exil), mais il n’en resterait pas moins le chef / leader (politique et religieux) des Tibétains, comme tient à la rappeler Tenzin Taklha – « This does not mean that he will withdraw from leading the political struggle. He is the Dalai Lama, so he will always lead the Tibetan people[20]. » Cela peut sembler quelque peu paradoxal, mais est en même temps assez logique : ce que veut faire le Dalaï-Lama, c’est avant tout réduire sa charge de travail, et, dans cette perspective, autant commencer par toutes les tâches administratives qui incombent au chef du gouvernement tibétain en exil. Le Dalaï-Lama a ainsi trouvé un moyen de réduire les fonctions du chef politique des Tibétains, tout en continuant de s’occuper des dossiers les plus importants, comme, par exemple, le dialogue sino-tibétain, qui est actuellement la préoccupation centrale de la communauté tibétaine de l’exil. Et Penpa Tsering, qui préside actuellement le parlement tibétain en exil, de rassurer les Tibétains à ce sujet : « He has repeatedly mentioned that he will continue to take responsibility for dealing with the Chinese government and he should continue because that is the biggest issue that concerns us all[21]. » Car les Tibétains ont besoin d’être rassurés. Il ne faudrait pas que l’annonce d’un éventuel départ à la retraite fasse penser que le Dalaï-Lama renonce à défendre la cause du Tibet. Ce n’est pas le cas, et comme il aime à la répéter, tant qu’il vivra, il n’aura de cesse que de faire valoir la cause du Tibet dans le monde et d’œuvrer pour une résolution de la question du Tibet – il reste le porte-parole des Tibétains, ceux de l’exil mais aussi ceux du Tibet[22]. Il n’en demeure pas moins que quitter le gouvernement en exil représenterait un geste symbolique important, et particulièrement dans la perspective de la succession politique du Dalaï-Lama. Ce qui m’amène à l’opportunité d’une telle annonce.

Pourquoi le Dalaï-Lama souhaite-t-il se retirer maintenant du gouvernement tibétain en exil ? Il est vrai que ce n’est pas la première fois qu’il parle de retraite, mais le moment est cette fois particulièrement bien choisi, puisque les Tibétains sont appelés à renouveler le parlement tibétain en exil en mars 2011, ainsi qu’à se choisir un nouveau Kalon Tripa – un nouveau Premier Ministre. Samdhong Rinpoche, l’actuel Kalon Tripa, qui vient d’effectuer deux mandats de cinq ans, avait déjà un rôle plus important que ses prédécesseurs qui, n’étant pas élus par les Tibétains, ne bénéficiaient pas de la légitimité populaire dont jouit a contrario Samdhong Rinpoche. Mais le prochain Kalon Tripa, surtout dans la perspective où le Dalaï-Lama quitterait effectivement le gouvernement tibétain en exil, aurait des pouvoirs encore plus importants : il serait, en effet, à la tête du gouvernement tibétain en exil, en lieu et place du Dalaï-Lama. De là à en faire le successeur politique du Dalaï-Lama, il n’y a qu’un pas… que n’hésitent pas à franchir certains des candidats au poste de Kalon Tripa[23].

 

3. Implications

 

Reste à déterminer quelles sont les implications pour la communauté tibétaine de l’exil d’un éventuel départ à la retraite du Dalaï-Lama. La succession politique du Dalaï-Lama représente un enjeu décisif pour les Tibétains qui, par principe, s’y opposent : d’après Penpa Tsering, « every Tibetan would like him to continue as long as his physical condition allows him to ». Tous les Tibétains, que ce soit d’ailleurs les Tibétains du Tibet ou les Tibétains en exil, comptent toujours, et plus que jamais, sur le Dalaï-Lama : « It is definitely going to be a political change. It is a big, big issue for us[24]. »

En même temps, il s’agit d’un changement qui va dans le sens de la démocratisation de la société tibétaine de l’exil voulue par le Dalaï-Lama. Une démocratisation prévue par la constitution de 1963 : « Even prior to my departure from Tibet in March, 1959, I had come to the conclusion that in the changing circumstances of the modern world the system of governance in Tibet must be so modified and amended as to allow the elected representatives of the people to play a more effective role in guiding and shaping the social and economic policies of the State. I also firmly believed that this could only be done through democratic institutions based on social and economic justice. » Et rappelée dans la charte de 1991, qui insiste sur le fait que : « His Holiness the Dalai Lama has guided us towards a democratic system of government ». Le départ à la retraite du Dalaï-Lama constitue en quelque sorte l’apogée du processus de démocratisation de la société tibétaine de l’exil. Il est vrai que, au vu des efforts déjà accomplis, et notamment d’ailleurs par le Dalaï-Lama lui-même, pour transformer la société tibétaine de l’exil en une société démocratique, il paraît quelque peu incongru que le Dalaï-Lama, c’est-à-dire le représentant d’une institution pluriséculaire qui n’a absolument aucune légitimité démocratique et qui rappelle un système politique qui est même tout l’inverse de la démocratie, la théocratie, demeure le chef politique du gouvernement tibétain en exil.

L’élection du Kalon Tripa, le Premier Ministre, au suffrage universel direct, appliquée depuis 2001, allait déjà largement dans le sens d’une normalisation de la structure démocratique du gouvernement tibétain en exil. Elle a également permis de mettre en avant, aux côtés du Dalaï-Lama, un autre personnage politique important. Et le fait que le prochain Tibétain qui occupera cette fonction aura encore plus de pouvoir politique que Samdhong Rinpoche, dans la perspective bien sûr d’un départ à la retraite du Dalaï-Lama, ajoute à l’idée que le Dalaï-Lama essaie, doucement mais sûrement, de passer le relais, ou, tout du moins, le relais politique. Et celui à qui il compte passer ce relais politique n’est pas un Tibétain en particulier, mais le Tibétain qui occupera la fonction de Kalon Tripa, ce qui lui permet d’établir un processus de succession qui ne s’arrêtera pas au prochain Kalon Tripa mais qui pourra être perpétué dans le cadre d’un système démocratique bien établi, qui emprunterait désormais davantage au régime parlementaire qu’au régime présidentiel. Et le nouveau Premier Ministre n’a pas à être un personnage qui jouit également d’un prestige religieux, comme c’est le cas actuellement. Il serait même bon que les deux domaines soient désormais séparés. Et c’est bien là ce qu’affirme également Samdhong Rinpoche : « The age of the old monks is passing and we are looking forward to a young, energetic, lay leadership[25]. » C’est également ce que pensent bon nombre d’autres Tibétains, à l’instar de Serta Tsultrim, le rédacteur en chef de Tibet Express, un journal basé à Dharamsala : « We need someone dynamic, modern and definitely not from the religious community to lead the community in exile[26]. »

Le Dalaï-Lama, tout en parachevant la démocratisation de la société tibétaine de l’exil, règle ainsi également la question hautement problématique de la succession. Reste à savoir si les Tibétains vont accepter son départ à la retraite.

Mais il ne s’agit encore là que de sa succession politique. Qu’en est-il de sa succession religieuse ? C’est bien évidemment une question que le Dalaï-Lama a déjà abordée et qu’il continue d’aborder, dans la perspective de sa disparition, pour y préparer la communauté tibétaine de l’exil.

La question n’est certes pas encore réglée, mais d’ores et déjà plusieurs possibilités ont été mises en avant. D’après le Dalaï-Lama : « The key factor should be the will of the Tibetan people … Everything is possible: a conclave, like in the Catholic church, a woman as my successor, no Dalai Lama anymore, or perhaps even two, since the Communist party has, astonishingly enough, given itself the right to be responsible for reincarnations[27]. » Mais reprenons les propositions les plus sérieuses : 1) une réincarnation de l’actuel Dalaï-Lama, qu’il faudra alors chercher en exil, et certainement pas au Tibet, au risque d’aboutir à la même impasse qu’avec le Panchen Lama[28] ; 2) la fin de l’institution des Dalaï-Lamas : apparue à un moment précis de l’histoire du Tibet, il n’est pas du tout exclu qu’elle disparaisse si elle s’avère ne plus être bénéfique aux Tibétains ; 3) la désignation d’un successeur du vivant du Dalaï-Lama par une sorte de conclave tel qu’il en existe pour la désignation des papes, par exemple, ce qui permettrait d’éviter le problème de la régence. Le fait est que, quelle que soit la décision prise, ce seront les Tibétains qui auront le dernier mot. Interrogé sur la fin possible de l’institution des Dalaï-Lamas, qui est sans conteste l’option que redoutent le plus les Tibétains, l’actuel Dalaï-Lama rappelle que la décision sera prise par les Tibétains eux-mêmes : « Whether the institution of the Dalai Lama remains or not depends entirely on the wishes of the Tibetan people. It is for them to decide. », ajoutant que : « At the present moment, the Dalai Lama’s institution is useful to the Tibetan culture and the Tibetan people. Thus, if I were to die today, I think the Tibetan people would choose to have another Dalai Lama. In the future, if the Dalai Lama's institution is no longer relevant or useful and our present situation changes, then the Dalai Lama’s institution will cease to exist[29]. » Rien n’empêche, en attendant, que d’autres personnalités religieuses tibétaines gagnent en popularité. C’est notamment le cas du Karmapa, le troisième plus haut dignitaire religieux tibétain, après le Dalaï-Lama et le Panchen Lama, qui appartient toutefois à une autre école bouddhiste, celle des Kagyu. Son jeune âge et sa fuite de Chine en 2000 l’ont rendu très populaire, une popularité qui n’a cessé de croître à mesure qu’il poursuivait ses études bouddhistes et commençait à dispenser des enseignements, au point que certains voient désormais en lui le successeur du Dalaï-Lama, si ce n’est à la tête du gouvernement tibétain en exil, certainement dans le cœur des Tibétains.

 

Il n’en demeure pas moins que, pour le Dalaï-Lama, la succession politique est aujourd’hui une question bien plus urgente que la succession religieuse. « I was unanimously asked to take part in choosing my successor and to keep the institution alive. But I hope that there is still plenty of time, and that I will have another 10 or even 20 years to think about things[30]. »

Reste à savoir si préparer les Tibétains au départ à la retraite du Dalaï-Lama, et, plus indirectement et plus subtilement encore, à la succession tant politique que religieuse du Dalaï-Lama, suffira à préserver l’unité qui fait la force de la communauté tibétaine de l’exil. Le risque de désintégration est en tout cas jugé suffisamment important pour que des efforts soient fournis en vue de préparer les Tibétains au moment fatidique de la disparition du Dalaï-Lama. D’après Serta Tsultrim, le rédacteur en chef du Tibet Express : « When the Dalai Lama goes there will be setbacks but not chaos. Democratic structures are now sufficiently strong[31]. » Ce qui n’empêche pas le Dalaï-Lama de poursuivre la démocratisation de la société tibétaine de l’exil. Son but ? Justement, éviter le chaos.

 


[1] Les principaux éléments de l’annonce sont repris dans deux articles du Guardian, premier quotidien international à avoir relayé la nouvelle, semble-t-il. Voir : « Dalai Lama Hints at Full Retirement within a Year. The Dalai Lama Says He May Raise Issue of Retirement and End Role Permanently if Agreed with Tibetan Parliament in Exile », The Guardian, 22 November 2010 (Jason Burke) et « Dalai Lama’s Possible Retirement Fuels Succession Fears. Anxiety over Reincarnation and Succession Surrounds Hopes for Replacement Figurehead for Tibetan Buddhists », The Guardian, 22 November 2010 (Tania Branigan). Les citations du Dalaï-Lama attribuées au Dalaï-Lama sans autre précision sont tirées de l’un ou l’autre de ces deux articles.

[2] La dépêche de l’Agence France Presse (AFP) a été reprise par un certain nombre de quotidiens dans le monde. Voir, par exemple : « Dalai Lama ‘to Retire’ from Government-in-Exile Role », Korean Herald, 24 November 2010 ; « Dalai Lama ‘to Retire’ », World Monitor, 23 November 2010 ; « Dalai Lama Wants to Relinquish Role as Leader of Exiled Tibet Government », Los Angeles Times, 24 November 2010 ; « Dalai Lama ‘to Retire’ from Government-in-Exile Role »,France24, 23 November 2010. Les citations attribuées à Tenzin Taklha sont tirées de la dépêche de l’Agence France Presse (AFP) telle que reprise par l’un ou l’autre de ces articles.

[3] « Dalai Lama Hints at Full Retirement within a Year. The Dalai Lama Says He May Raise Issue of Retirement and End Role Permanently if Agreed with Tibetan Parliament in Exile », The Guardian, 22 November 2010 (Jason Burke)

[4] Cf. le site officiel du Dalaï-Lama et le site du gouvernement tibétain en exil.

[5] Cf. le site officiel du Dalaï-Lama.

[6] Voir Dalaï-Lama, Au loin la liberté, Paris, Fayard, 1990, pour une description de ces deux cérémonies, et, plus précisément, pp. 32-33, pour la cérémonie d’intronisation religieuse, pp. 81-83 pour l’investiture politique, et p. 82 pour la citation.

[7] Cf. site officiel du Dalaï-Lama, rubrique questions / réponses.

[8] Ces deux documents sont disponibles sur le site du Tibet Justice Centre.

[9] « (2) Without prejudice to the generality of the foregoing provisions, His Holiness the Dalai Lama as the Head of the State shall:

(a) accredit or withdraw diplomatic representatives in foreign countries and receive foreign diplomatic representatives, and ratify international treaties with previous approval, in appropriate cases, of the National Assembly or the Standing Commission of the National Assembly;

(b) grant pardons, respite or remission of punishment or suspend, remit or commute the sentence of any person convicted of any offence;

(c) confer honours and patents of merit;

(d) promulgate laws and ordinances having the force and validity of laws;

(e) summon and prorogue the National Assembly;

(f) send messages to the National Assembly and address it whenever he, in his discretion, considers it necessary; and

(g) authorize the holding of a referendum in cases provided for by this Constitution. »

[10] « In particular, His Holiness the Dalai Lama shall be empowered to execute the following executive powers as the chief executive of the Tibetan government:

(a) approve and promulgate bills and regulations prescribed by the Tibetan Assembly;

(b) promulgate acts and ordinances that have the force of law;

(c) confer honors and appointments;

(d) summon, adjourn, postpone and prolong the Tibetan Assembly;

(e) send messages and addresses to the Tibetan Assembly whenever necessary;

(f) dissolve or suspend the Tibetan Assembly;

(g) dissolve the Kashag or remove a Kalon or Kalons;

(h) summon emergency and special meetings of major significance; and

(j) authorize referendums in cases involving major issues in accordance with this Charter. »

[11] C’est ce qu’il explique dans la conférence de presse qu’il a donnée le 14 décembre 2010 à Dharamsala. Cf. le site officiel du Dalaï-Lama.

[12] Cf. la conférence de presse du 14 décembre 2010 à Dharamsala, disponible sur le site officiel du Dalaï-Lama.

[13] « Le Dalaï Lama souhaite se retirer du Gouvernement tibétain en exil », 24 novembre 2010. (http://www.tibet-info.net/www/Le-Dalai-Lama-souhaite-se-retirer.html)

[14] Cf. les deux articles du Guardian susmentionnés, la dépêche de l’Agence France Presse (AFP) et la conférence de presse du 14 décembre 2010 à Dharamsala, disponible sur le site officiel du Dalaï-Lama.

[15] « Dalai Lama Hints at Full Retirement within a Year. The Dalai Lama Says He May Raise Issue of Retirement and End Role Permanently if Agreed with Tibetan Parliament in Exile », The Guardian, 22 November 2010 (Jason Burke).

[16] Dépêche de l’Agence France Presse (AFP).

[17] Dépêche de l’Agence France Presse (AFP).

[18] « Dalai Lama Hints at Full Retirement within a Year. The Dalai Lama Says He May Raise Issue of Retirement and End Role Permanently if Agreed with Tibetan Parliament in Exile », The Guardian, 22 November 2010 (Jason Burke).

[19] Conférence de presse du 14 décembre 2010 à Dharamsala, disponible sur le site officiel du Dalaï-Lama.

[20] Dépêche de l’Agence France Presse (AFP).

[21] Dépêche de l’Agence France Presse (AFP).

[22] Conférence de presse du 14 décembre 2010 à Dharamsala, disponible sur le site officiel du Dalaï-Lama.

[23] Cf. le site mis en place pour l’élection du prochain Kalon Tripa, où les futurs candidats au poste de Kalon Tripa ont la parole.

[24] Dépêche de l’Agence France Presse (AFP).

[25] « Dalai Lama Will See Resolution to ‘Tibet Problem’ in Lifetime, Says Exiles. On Eve of Spiritual Leader’s 75th Birthday, Senior Tibetan Officials in Exile Admit Finding a Successor Is a Major Concern », The Guardian,  5 July 2010 (Jason Burke).

[26] « Dalai Lama Will See Resolution to ‘Tibet Problem’ in Lifetime, Says Exiles. On Eve of Spiritual Leader’s 75th Birthday, Senior Tibetan Officials in Exile Admit Finding a Successor Is a Major Concern », The Guardian,  5 July 2010 (Jason Burke).

[27] « Dalai Lama’s Possible Retirement Fuels Succession Fears. Anxiety over Reincarnation and Succession Surrounds Hopes for Replacement Figurehead for Tibetan Buddhists », The Guardian, 22 November 2010 (Tania Branigan). Les propos du Dalaï-Lama sont repris d’une interview donnée au Spiegel il y a deux ans.

[28] Le Dalaï-Lama est très clair à ce sujet. En réponse à la question « The Chinese have recently stated that the next Dalai Lama will be born in Tibet and chosen by them. What do you have to say about this? », il répond en effet : « If the present situation regarding Tibet remains the same, I will be born outside Tibet away from the control of the Chinese authorities. This is logical. The very purpose of a reincarnation is to continue the unfinished work of the previous incarnation. Thus if the Tibetan situation still remains unsolved it is logical I will be born in exile to continue my unfinished work. Of course the Chinese will still choose their own Dalai Lama and we Tibetans will choose our own according to tradition. It will be similar to the present situation of the Panchen Lama. There is a Chinese-appointed Panchen Lama and there is the Panchen Lama chosen by me. One is paraded to serve its master's purposes and the other is the Panchen Lama accepted in the hearts of all the Tibetans. » Cf. le site officiel du Dalaï-Lama.

[29] Réponse à la question « Will you be the last Dalai Lama? ». Cf. le site officiel du Dalaï-Lama.

[30] « Dalai Lama’s Possible Retirement Fuels Succession Fears. Anxiety over Reincarnation and Succession Surrounds Hopes for Replacement Figurehead for Tibetan Buddhists », The Guardian, 22 November 2010 (Tania Branigan). Les propos du Dalaï-Lama sont repris d’une interview donnée au Spiegel il y a deux ans.

[31] « Dalai Lama Will See Resolution to ‘Tibet Problem’ in Lifetime, Says Exiles. On Eve of Spiritual Leader’s 75th Birthday, Senior Tibetan Officials in Exile Admit Finding a Successor Is a Major Concern », The Guardian,  5 July 2010 (Jason Burke).

Pour en savoir plus

 

ANAND, Dibyesh, « (Re)imagining Nationalism : Identity and Representation in the Tibetan Diaspora of South Asia »,Contemporary South Asia (Abingdon, Oxfordshire), 9, n° 3 (November 2000), pp. 271-287.

ANAND, Dibyesh, « A Contemporary Story of “Diaspora” : The Tibetan Version », Diaspora, 12, n° 2 (Summer 2003), pp. 211-229.

BENTZ, Anne-Sophie, « Reinterpreting the Past or Asserting the Future ? National History and Nations in Peril – The Case of the Tibetan Nation », Studies in Ethnicity and Nationalism, 6, n° 2 (2006), pp. 56-70.

BENTZ, Anne-Sophie, « La diaspora tibétaine en Inde », Relations internationales, numéro sur les diasporas coordonné par Mohammad-Reza Djalili et Andre Liebich, n° 141 (hiver 2010), pp. 111-131.

BENTZ, Anne-Sophie, Les réfugiés tibétains en Inde. Nationalisme et exil, Paris, PUF, 2010.

BERNSTORFF, Dagmar, et von WELCK, Hubertus (éd.), Exile as Challenge : The Tibetan Diaspora, Hyderabad, Orient Longman, 2004 [2002].

KLIEGER, Christiaan P., Tibetan Nationalism, The Role of Patronage in the Accomplishment of a National Identity, Meerut,India, Aranacha Publications, 1991.

KLIEGER, Christiaan P. (éd.), Tibet, Self, and the Tibetan Diaspora : Voices of Difference, Proceedings of the Ninth Seminar of the International Association for Tibetan Studies, Leiden 2000, Leiden, Brill, 2002.

KOROM, Frank J. (éd.), Tibetan Culture in the Diaspora, Proceedings of the Seventh Seminar of the International Association for Tibetan Studies, Graz 1995, Vienne, Verlag der Oesterreichischen Akademie der Wissenschaften, 1997.

MACPHERSON, Seonaigh, BENTZ Anne-Sophie, et BHUTI, Dawa, « Global Nomads : The Emergence of the Tibetan Diaspora (Part I) », Migration Information Source (September 2008), disponible en ligne à l’adresse suivante :http://www.migrationinformation.org/Feature/display.cfm?ID=693.

MACPHERSON, Seonaigh, BENTZ Anne-Sophie, et BHUTI, Dawa, « The Tibetan Diaspora : Adapting to Life outside Tibet (Part II) », Migration Information Source (October 2008), disponible en ligne à l’adresse suivante :http://www.migrationinformation.org/Feature/display.cfm?ID=696.

NOWAK, Margaret, Tibetan Refugees : Youth and the Generation of Meaning, New Brunswick, N. J., Rutgers UniversityPress, 1984

POWELL, Andrew, Heirs to Tibet : Travels Among the Exiles in India, New Delhi, Bluejay Books, 1992

SAKLANI, Girija, The Uprooted Tibetans in India : A Sociological Study of Continuit and Change, New Delhi, Cosmo, 1984.

SHAKABPA, Tsepon, Tibet : A Political History, New Haven, London, Yale University Press, 1967.

 

 

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Last Updated on Friday, 01 April 2011 16:00